Le dialogue interpalestinien va reprendre. Non, il a été reporté. Finalement, il doit avoir lieu ce mercredi [1]. En une semaine, des informations aussi contradictoires avaient circulé. Mais voilà des mois que la réconciliation interpalestinienne peine à voir le jour. Et chaque jour apporte tantôt espoir tantôt déception. Le dialogue parrainé par l’Egypte était, cette fois-ci, lié à une trêve avec Israël dans la foulée de la guerre contre Gaza. Le Caire a alors proposé un plan de trois points : un cessez-le-feu immédiat, des contacts entre Israéliens et Palestiniens pour une trêve de longue durée et une conférence de réconciliation interpalestinienne.
Des responsables palestiniens du Hamas ou du Fatah se sont déplacés à maintes reprises vers la capitale égyptienne, le négociateur israélien aussi. Des lueurs d’espoir se profilaient. Tout le monde ou presque parlait d’une trêve qui allait être annoncée peut-être par le président Moubarak en personne, « dans les prochaines 48 heures ».
A la dernière minute, Tel-Aviv fait marche arrière. Pour conclure une trêve, il faut une nouvelle condition, un nouveau caprice d’un Olmert sur le point de départ. Le premier ministre israélien sortant décide de conditionner tout accord sur une trêve et l’ouverture des six points de passage de la bande de Gaza à la libération préalable de Gilad Shalit. Shalit est ce soldat israélien capturé par les Palestiniens il y a bientôt 3 ans et dont Israël rappelle le nom à chaque fois qu’on parle trêve, paix, ou autre. « Il est inconcevable » pour Tel-Aviv de souscrire à un accord sans la libération de Shalit, a déclaré Meir Sheetrit, ministre israélien de l’Intérieur.
Riposte égyptienne au chantage
Auparavant, les négociations pour cette libération étaient conditionnées à celle de 1 400 détenus palestiniens sur les 11 000 dans les prisons israéliennes. « Un coup de poignard dans le dos de l’Egypte », disent à la fois Palestiniens et Israéliens (lire page 5). Le Caire, furieux dans un premier temps, a finalement décidé de ne pas succomber au chantage israélien. Voire de ne plus coupler la trêve à la réconciliation interpalestinienne en invitant toutes les factions à venir discuter au Caire indépendamment de l’éventuel cessez-le-feu avec Israël. « Soudain, la priorité est devenue la libération de Gilad Shalit. Je ne le comprends pas », a déclaré le négociateur israélien Amos Gilad, qui a effectué huit allers-retours au Caire en moins de deux mois. Pour s’en être offusqué publiquement, il s’est vu rappelé à l’ordre. Olmert a décidé de remplacer son négociateur dans les pourparlers par un autre émissaire, à ce jour inconnu. Il veut apparemment quitter ses fonctions par quelque chose qui honore son mandat tacheté par des affaires de corruption.
Les problèmes entre Palestiniens
Loin de cette cuisine intérieure israélienne, c’est une question de détenus et de prisonniers qui gâche aussi une réconciliation interpalestinienne. En novembre dernier, les factions devaient se retrouver au Caire pour clore ce dossier de différends mais encore cette rencontre a été annulée à la dernière minute, car simplement la libération des détenus n’a pas eu lieu comme une mesure de bonne intention préalable au dialogue.
En prévision de la nouvelle rencontre, le mouvement Hamas a indiqué que la libération de ses partisans, détenus par le mouvement rival Fatah, est une nécessité vitale pour la réussite des négociations sur une réconciliation nationale.
« La libération des prisonniers des geôles des forces de sécurité palestiniennes est une étape nécessaire pour la tenue du dialogue », a indiqué le Hamas dans un communiqué. Le Hamas affirme que les forces de l’Autorité nationale palestinienne détiennent des centaines de ses sympathisants et militants pour des raisons politiques en Cisjordanie. Une mesure qui a suivi la prise du pouvoir par le Hamas des institutions de la sécurité dans la Bande de Gaza en 2007.« Le président Abbass a formé une commission de sécurité pour étudier les cas des prisonniers politiques en Cisjordanie et fermera rapidement la question », a indiqué Azzam Al-Ahmad, chef du bloc parlementaire du Fatah.
Il a aussi déclaré que certains prisonniers du Hamas seraient libérés avant le lancement du dialogue, en réaction à la décision du Hamas de lever l’assignation à résidence imposée sur certains dirigeants du Fatah à Gaza. En effet, 80 membres du mouvement de la résistance islamique ont quitté les prisons mardi sur décision de l’autorité palestinienne.
Une inconnue difficile à dissiper
L’atmosphère est-elle favorable au dialogue ? Il y a deux semaines, les deux factions rivales s’étaient retrouvées en tête à tête au Caire pour la première fois depuis leur différend. Le président palestinien a dépêché au Caire deux hommes forts du Fatah, Nabil Chaath et Ahmad Qorei, en moins de 24 heures, après un appel de l’Egypte qui recevait une délégation du Hamas dirigé par le numéro deux du bureau politique, Moussa Abou-Marzouq. Une rencontre de courtoisie, mais qui devrait ouvrir la porte à la formation d’un gouvernement d’union. C’est d’ailleurs le sujet majeur au menu des discussions du Caire.
Comment sera-t-il formé ? Sera-t-il dirigé par Ismaïl Fayyad, actuel chef du gouvernement du Fatah, ou par le Hamas qui a obtenu la majorité parlementaire ? Qui détiendra le portefeuille de la sécurité, à l’origine de tous les maux interpalestiniens. Parce qu’il faudrait bien un gouvernement en prélude de la tenue des élections présidentielles et législatives. Le président Abbass est un chef d’Etat hors mandat depuis le 9 janvier dernier. Selon Azzam Al-Ahmad, cinq commissions seront mises en place pour traiter de ces principaux points de désaccord entre le Fatah et le Hamas. La réconciliation, le gouvernement d’union, les élections, les services de sécurité et la restructuration de l’OLP. Des dossiers des plus chauds mais à quel point chaque partie serait prête à des concessions ?
La popularité d’Abou Mazen en question
Un accord Fatah-Hamas semble plus difficile à obtenir qu’une trêve palestino-israélienne. Il y a intérêt à le décrocher. Le Hamas qui vient de sortir d’une guerre farouche avec les Israéliens se voit obligé de donner à la population de Gaza une lueur d’espoir, un souffle nouveau qui dit que demain n’est pas aussi noir comme ces longues nuits de décembre et janvier, vécues sous les bombardements israéliens.
Le Fatah n’en est pas moins dans une situation critique qui touche d’emblée son sort. Selon un sondage organisé par le centre Al-Qods à Ramallah, dirigé par l’ancien ministre du Fatah Ghassan Al-Khatib, la popularité du Hamas est en hausse. En cas de nouvelles élections, le taux des personnes qui voteront pour le Hamas est passé de 19 % à 28,6 %. Ceux qui voteront pour le Fatah sont passés à 27,9 % au lieu de 34 %. En Cisjordanie, la confiance en le premier ministre sortant du Hamas Ismaïl Haniyeh est de 18,5 %, dépassant le président Mahmoud Abbass, qui n’obtient dans son propre fief que 13,4 %.
En Israël, on dit que le cabinet ministériel envisagera la libération de Marwan Bargouthi, ancien leader des Tanzim, figure emblématique du Fatah. Une hypothèse qui a resurgi depuis la fin de la guerre de Gaza. Un « cadeau » à l’adresse de Mahmoud Abbass pour contrecarrer le Hamas en cas de scrutin. Du fond de la prison de Hadarim, Bargouthi reste le responsable palestinien le plus populaire, en Cisjordanie en particulier.
Le Caire est ainsi dans une course contre le temps. Il souhaite marquer une percée dans les pourparlers interpalestiniens à la veille d’une conférence internationale sur la reconstruction de Gaza, le 2 mars, en vue d’impliquer la communauté internationale avant la formation du prochain gouvernement israélien.
Les Egyptiens veulent surtout éviter le risque d’une suspension des pourparlers qui se profile avec la formation d’un gouvernement dirigé par Benyamin Netanyahu et soutenu par l’extrémiste Avigdor Lieberman. Pendant ces trois années de pouvoir entre 1996 et 1999, Bibi avait notamment gelé le processus de paix et multiplié les colonies juives en territoires palestiniens. Car, croit-on au Caire, avec Netanyahu, le pire peut arriver. Avant qu’il ne prenne les rênes déjà, la mairie israélienne de Jérusalem occupée tente de déporter environ 1 500 Palestiniens natifs de la ville. Elle a ordonné l’évacuation d’une centaine de maisons arabes du quartier Al-Boustan pour y construire des jardins. Méli-mélo, jeux d’équilibristes, une union palestinienne à laquelle on croit peu va quand même désarçonner le cavalier israélien.